Lyon est l’un des hauts lieux de la charcuterie française. La considération accordée aux morceaux de viande peu nobles que sont la tête, les pieds, les tripes et la fraise a fait la renommée de la cuisine lyonnaise bon marché. Ils donnent, par exemple, la version régionale de l’andouillette et du sabodet, à base de tête de porc et de couenne. Quand on est capable de confectionner de délicieuses cochonnailles avec de bas morceaux, on doit faire des merveilles avec des ingrédients plus nobles. Le saucisson de Lyon, la rosette et le cervelas sont les emblèmes culinaires de la ville. Les deux premiers font partie des saucissons secs, proches du salami, autrefois séchés à l’air dans les monts du Lyonnais. Le cervelas est une saucisse à cuire délicieusement relevée.
Photo: Rosa Blanche
Pour qu’un saucisson sec soit de qualité, il faut “ employer les bons morceaux de porcs assez âgés, qui contiennent peu d’eau, sont fermes, rouges et doivent être très frais. Pour la qualité supérieure, on choisit des morceaux dans le jambon ou la palette. Un ôte d’abord les os, les tendons, les nerfs, la peau, etc., opération appelée parage, et l’on coupe les viandes en cubes. Dans la rosette et le saucisson de Lyon, la proportion de gras ne doit pas dépasser 25 %. La viande est entrelardée avec des petits lardons frais, ã section carrée, préalablement réfrigérés pendant deux jours ¢ viande et lard sont hachés a la machine, mais très lentement pour que le hachis ne chauffe pas. Les aromates, surtout du
sel de mer et du poivre, sont ensuite ajoutés et mélangés. Lorsque la fabrication est artisanale, la préparation obtenue est étalée sur une table en inox et battue a la main pour éliminer les poches d’air et obtenir l’homogénéité désirée. Le charcutier forme alors de grosses boules de hachis et les laisse reposer une nuit en chambre froide. Le lendemain, il procède à l’embossage (mise de la préparation dans du boyau naturel). Les saucissons sont alors entreposés dans un séchoir, ou ils sont préséchés par étuvage à 24 °C environ, jusqu’à ce qu’ils aient perdu 10 % de leur humidité. Un les ficelle pour leur donner une forme régulière ou on enveloppe les plus lourds dans un filet pour pouvoir les suspendre sans abîmer le boyau. Le séchage à 12 °C, aujourd’hui dans un séchoir ventilé à température contrôlée, dure un mois et demi pour le saucisson de Lyon qui perd un tiers de son poids d’origine. La différence entre le saucisson de Lyon, la rosette et le jésus tient uniquement à la taille du boyau employé, la garniture est identique. La durée du séchage dépend du diamètre du saucisson et influence son goût. Un jésus sèche donc plus longtemps et développe un goût plus prononcé.
Au XVIème siècle, les marchands de soie et les banquiers italiens, très nombreux à Lyon, apportèrent jusqu’au Rhône et a la Saône les secrets de l’art culinaire de leur pays natal. La recette du cervelas en fait probablement partie car il semblerait que cette saucisse soit originaire de Florence. Son nom vient du fait que, à l’origine, il contenait aussi de la cervelle. Aujourd’hui, il se compose de trois parts de palette maigre pour une part de poitrine et de lard. La viande est relevée de sel, de poivre, de muscade et de sucre et réfrigérée pendant deux jours avant de passer au hachoir. Elle est aromatisée au porto, au madère ou au cognac, souvent agrémentée de truffes et/ou de pistaches, voire de morilles. Elle est ensuite embossée à la longueur désirée et séchée une nuit à 30 °C, ce qui lui donne sa jolie couleur. Composé de viande fraîche, le cervelas doit être conservé au frais. Le cervelas truffé contient au moins 3 % de truffe et possède un arôme incomparable. Mais son prix élevé en fait une charcuterie des grandes occasions. Le cervelas aux pistaches est de consommation bien plus courante et, pour un plat encore meilleur marché, on emploie le simple saucisson à cuire. On le plonge dans de l’eau à 90 OC et on le fait cuire de 30 à 40 minutes par livre, sans le piquer. Tenu au chaud dans son bouillon, il est ensuite égoutté et servi très chaud.