Cette spécialité, non protégée par une quelconque appellation d’origine, peut être préparée par n’importe quel boucher et vendue sous le nom de la petite ville normande. Cependant, le véritable gourmet préfère se limiter à la véritable andouille de Vire, surtout quand elle est fabriquée à la main de façon traditionnelle, et que son caractère régional est bien marqué. Pour fabriquer la véritable andouille de Vire, le spécialiste utilise exclusivement l’intestin de porc, et indifféremment l’intestin grêle et le gros intestin, ainsi que l’estomac.
Après qu’on les a nettoyés avec grand soin et découpés en longues bandes étroites, on les rassemble, on les enroule et on les maintient ã l’aide de ficelle en remplacement des rameaux d’osier utilisés autrefois. Les abats ainsi préparés macèrent une semaine dans le sel et le poivre, puis on en farcit un boyau qui constitue leur enveloppe extérieure. Selon la tradition, il doit aussi provenir d’un porc. Les andouilles enveloppées dans un intestin de porc sont reconnaissables à leur aspect plissé caractéristique (celui de boeuf est plus lisse). Si l’on veut rester fidèle à l’ancien mode de fabrication, il faut renoncer aux intestins trop tendres des porcs d’élevage, et plutôt chercher dans les fermes des environs des intestins de truie, devenus plus résistants après la mise bas. On procède ensuite à la fumaison, qui dure trois semaines. C’est la phase décisive de la fabrication, car elle donne à l’andouille son goût et sa couleur et permet aussi de la sécher. Comme les andouilles sont fumées à chaud directement au-dessus d’un foyer, le processus de fumaison exige beaucoup d’expérience et une attention de tous les instants. Le choix du bois est également d’une grande importance. Le bois de pommier est idéal, mais il est cher et rare. Autour de Vire, on trouve du bois de conifères et de chênes, mais le premier ne convient pas, en raison de son odeur forte, et le second doit être entreposé au minimum cinq ans, pour être lavé de ses tanins. On se rabat donc sur le hêtre. Les copeaux de hêtre produisent une fumée claire et peu de flammes, ce qui permet d’éviter une augmentation de la température qui provoquerait une fermentation et un goût piquant désagréable. Apres la fumaison, les andouilles Sont dessalées dans l’eau pendant 24 heures. On les fait ensuite cuire six heures a 95 °C dans un bouillon bien épicé. La graisse qu’elles rendent pendant la cuisson était utilisée autrefois pour la fabrication du savon. Dès que les andouilles sont sorties de l’eau et entrent en contact avec l’air, leur couleur fonce progressivement. Pour affiner leur goût, on les suspend encore quelques temps. La fabrication d’une andouille traditionnelle exige donc un mois entier, tandis que sa production industrielle ne demande que trois jours. Les andouilles ne sont alors fumées que quatre heures, leur couleur foncée est due à une eau teintée, et, les intestins artificiels retenant la graisse, leur qualité est moindre et elles sont moins digestes. La véritable andouille de Vire au goût corsé, fabriquée à la main, compte parmi les vraies spécialités régionales. On la reconnaît a sa forme et sa couleur irrégulière. Elle est dégustée froide, coupées en tranches fines, ou chaude, accompagnée d’une purée de pommes de terre onctueuse, de tranches de pommes cuites a la poêle et d’un bon cidre.