Marseille est une ville gastronomique, avec son plat fétiche, la Bouillabaisse. Mais devant la recrudescence des restaurants qui abusent de cette réputation gastronomique et qui offrent souvent des plats au rabais, il est important de remettre les pendules à l’heure, via deux chefs de haut vol, qui expliquent le pourquoi du comment de la Bouillabaisse. « En toute honnêteté, force nous est de reconnaître en notre qualité de restaurateurs qu’une bouillabaisse digne de ce nom est, de nos jours, obligatoirement onéreuse. En été, nous voyons tous les jours des clients prendre place à notre terrasse et, à la lecture de la carte et du prix de notre « Bouillabaisse », se lever et partir. Ils nous suspectent d’avoir gonflé nos prix, alors que notre marge bénéficiaire est plus faible que celle de nos confrères, qui la proposent à moindre coût mais utilisent pour ce faire des produits de moindre qualité. Il existe pourtant en la matière des principes- fondamentaux, que l’on se doit de respecter. 1/ La fraîcheur du poisson est une règle absolue. 2/ La diversité et la quantité des poissons jouent de façon déterminante sur la qualité du bouillon, tous les poissons, frais, ne doivent être cuits que sur commande. 3/ Le safran doit être pur et authentique, c’est indispensable (ni le paprika, ni les herbes de Provence n’ont jamais contribué à la réussite d’une bouillabaisse). 4/ Le découpage du poisson s’effectue obligatoirement devant les convives et non en cuisine, à moins que le nombre de personnes à servir en salle ne le justifie. Faut-il souligner par ailleurs qu’une langouste n’entre pas, en principe, dans la préparation d’une bouillabaisse qui, à l’origine, était un plat simple dans lequel n’entrait que les poissons invendus ou abîmés et auquel on ajoutait des pommes de terre pour pouvoir rassasier toute une famille.
Il faut savoir aussi que dans le temps, la bouillabaisse du pêcheur se préparait à l’eau de mer que l’on mettait à chauffer pendant que les hommes mettaient bon ordre dans les filets de pêche. Lorsque l’eau bouillait, on y mettait les poissons destinés à cet effet et on les laissait mijoter avec le fenouil, les tomates, etc. Lorsque les pêcheurs en avaient fini avec leurs filets, ils passaient à table avec leur petite famille : la bouillabaisse était prête. Si la bouillabaisse est aujourd’hui une recette raffinée, cette conversion s’est faite plus tardivement. Au lieu de faire la cuisson à l’eau de mer, on a eu l’idée de préparer un fumet avec des petits poissons de roche, cuits avec des tomates, des oignons, de l’ail, du fenouil et du safran, le tout passé au tamis. C’est ce fumet déjà riche en saveurs, que l’on porte aujourd’hui à ébullition et dans lequel on plonge le poisson pour le faire cuire. C’est ce que l’on appelle la « bouillabaisse riche » ou la « bouillabaisse marseillaise ». Nous disons que celui qui entreprend un long voyage et en accepte la fatigue et le coût pour découvrir une région et ses spécialités gastronomiques doit s’informer et ne pas hésiter à rechercher une cuisine authentique et de qualité, même si son prix étonne parfois.
Le poisson est indissociable de la cuisine provençale. De nombreuses recettes de poissons sont consignées dans les manuels classiques de cuisine comme le « Reboul ». Celle de la bouillabaisse est la plus connue, mais il y a aussi l’aïoli, l’anchoïade, la bourride, l’oursinade, la soupe de poissons à la marseillaise, et tant et tant d’autres qui sont des recettes classiques et néanmoins toujours actuelles. Notre cuisine provençale sait, comme aucune autre, marier les poissons aux herbes aromatiques de toutes sortes que nous offre, la garrigue. C’est une union que scelle remarquablement notre incomparable huile d’olive. Voici ce qui vous attend en Provence ! Le sourire et un petit pastis en prime. Pendules remise à l’heure donc par nos deux chefs émérites.