Parmi les amateurs d’escargots, les champions ne sont pas, comme on pourrait le croire, les Bourguignons, mais les Catalans du Roussillon! Ils se retrouvent en famille, ou avec des amis, à certaines bonnes adresses pour déguster ensemble une cargolade. ll s’agissait, à l’origine, d’un repas de fête qui se déroulait en plein air et que l’on préparait à Pâques ou à la Pentecôte. Mais aujourd’hui, il suffit qu’il fasse beau, sans trop de vent, pour que les conditions soient réunies. La cargolade, du mot catalan cargol, qui signifie « escargot », est un événement convivial où chacun donne un coup de main. Car, contrairement aux « petits gris à la Bourguignonne » préparés à grands frais dans les restaurants réputés, le destin des petits gris catalans est tout différent. Les amateurs d’escargots de cette province la plus méridionale de France se mettent en quête eux-mêmes des gastéropodes. Dès que tombent trois gouttes de pluie, les voilà qui partent en chasse, armés de sacs en plastique, prêts à faire une razzia dans les vignes et sur les talus. Les petits gris qui, attirés par l’humidité sortent de leurs coquilles, sont par centaines des victimes toutes désignées. ll existe aussi quelques élevages, où ils se reproduisent dans les meilleures conditions. On reconnaît le petit-gris à sa coquille légèrement pointue, et dans la mesure du possible on s’abstient de ramasser les autres, plus aplatis, appelés cargol, qui ont moins de goût.
On impose aux escargots un jeûne draconien de quinze jours, pour les purger des herbes toxiques qu’ils auraient pu ingérer. Lorsqu’ils les destinent a la conservation, les Catalans leur infligent ensuite un régime à base de farine, de thym et de fenouil, ce qui leur donne un goût très particulier. Mais si l’on ne peut aller soi-même aux escargots, on peut en trouver sur les marchés en semaine, conditionnés en petits filets. La préparation commence par le nettoyage des coquilles. Avec la pointe d’un couteau, « opinel » ou « Laguiole » on fait sauter l’opercule qui protège l’escargot de l’assèchement. On supprime aussi d’éventuelles sécrétions et on élimine les sujets morts. On les plonge ensuite dans un mélange de sel, de poivre et, le cas échéant, de poivre de cayenne et de thym. On dispose les coquilles en cercle, les unes contre les autres, sur un gril rond qui comporte une poignée en son centre. On allume un fagot de sarments de vigne dont la braise est plus régulière et durable.
Au contact du feu, les escargots exsudent un liquide, blanc au début, puis jaune et qui prend pour finir une couleur marron qui indique à la personne chargée de surveiller la cuisson que le repas est prêt. Les puristes laissent fondre sur les escargots qui grésillent un morceau de lard, de manière à faire pénétrer un peu de graisse à l’intérieur de chaque coquille. On sort les escargots de leur coquille à l’aide d’une épingle. La cargolade s’accompagne bien de tranches de pain tartinées à l’aïoli, cette mayonnaise relevée à base d’ail. Même si d’authentiques Catalans sont en mesure d’avaler plusieurs douzaines de ces petits escargots, il ne s’agit la que de l’entrée d’une cargolade dans les règles. Car viennent ensuite des saucisses et des boudins ainsi que des côtelettes d’agneau, le tout grillé sur des sarments de vigne. Tout au long du repas, le porro circule de convive en convive, rempli de vin rouge , c’est un carafon dont l’embout permet de boire « à la régalade », en tenant la carafe à bout de bras et en faisant couler le mince filet de vin directement dans la bouche. Les experts en la matière visent le coin de la bouche, pour que le vin arrivant latéralement on puisse l’avaler sans s’étrangler.